Faut-il tester l'audition des nouveau-nés ?
- info2624531
- 18 mars
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Dernière mise à jour : 21 mars

C'est une question délicate et complexe à laquelle le Comité consultatif national d'éthique (Ccne) en France vient de répondre de manière nuancée : est-il justifié de dépister systématiquement la surdité chez les nouveau-nés ? Ce débat soulève déjà des avis divergents.
À première vue, on pourrait être surpris par cette interrogation. Aujourd’hui, il est rare de remettre en question l’utilité du dépistage médical. L’idée généralement acceptée est que détecter tôt une maladie permet de mieux la traiter. Mais ce raisonnement ne doit pas devenir une règle absolue sans réflexion.
C'est précisément sur ce point que le Ccne a travaillé concernant la surdité chez les nouveau-nés. Il reconnaît que le dépistage peut être utile, mais il pense qu’un test systématique à la naissance présente plus d’inconvénients que d’avantages. Pourquoi ?
Chaque année en France, environ 800 bébés naissent avec une surdité bilatérale permanente. Selon la Haute autorité de santé (HAS), ce trouble touche environ un enfant sur 1000 et affecte le développement du langage, de la communication et des capacités cognitives. Pour cette raison, la HAS a suggéré de tester cette approche à l’échelle régionale avant de l’étendre à tout le pays.
Un diagnostic précoce permettrait d’améliorer l’apprentissage du langage et la communication de l’enfant. Bien que les preuves scientifiques ne soient pas totalement établies, les études internationales montrent que ce type de dépistage serait probablement bénéfique et rentable économiquement.
Cependant, après cette recommandation, deux associations ont demandé l’avis du Ccne : la "Fédération nationale des sourds de France" et le "Réseau d’actions médico-psychologiques et sociales pour enfants sourds". Selon le Ccne, les conditions pour un dépistage généralisé ne sont pas réunies. Son président, le Pr Didier Sicard, a rappelé que l’actuel diagnostic de la surdité se fait trop tard (environ à 16 mois), mais il n’est pas d’accord avec le moment et les conditions proposées pour le dépistage systématique.
En effet, avec des séjours en maternité de plus en plus courts, le test serait fait dès le premier ou le deuxième jour de vie, ce qui le rendrait peu fiable. Selon le Pr Sicard, 80 % des enfants diagnostiqués comme sourds à cet âge auraient en réalité une audition normale. De plus, il s’inquiète de la manière dont les parents seront accompagnés après un diagnostic aussi précoce. Environ 90 % des bébés sourds naissent dans des familles entendantes, ce qui pourrait rendre l’annonce difficile à gérer, surtout en l’absence de solution immédiate, car les implants cochléaires ne sont posés qu’entre 9 et 12 mois.
Le Ccne suggère donc de généraliser le dépistage au cours des premiers mois de la vie plutôt qu’à la naissance. Il met aussi en garde contre une vision trop médicale de la surdité, qui se limiterait aux solutions technologiques (comme les implants) sans prendre en compte l’éducation bilingue des enfants sourds, incluant la langue des signes et le langage oral.
Dans ce contexte, le Ccne s’oppose au dépistage systématique et plaide pour une approche plus individualisée. "La France privilégie le dépistage mais pas la prise en charge", a critiqué le Pr Sicard. Selon lui, la décision d’équiper un enfant d’un implant devrait revenir aux parents, car son absence n’engage pas la survie de l’enfant.
De son côté, la Fédération nationale des sourds de France regrette que la langue des signes soit encore trop peu reconnue en France, alors qu’elle n’a obtenu un statut officiel qu’en 2005.
Face à cette prise de position du Ccne, les spécialistes en ORL n’ont pas tardé à réagir. Le Conseil national français d’oto-rhino-laryngologie a exprimé son désaccord, même s’il reste diplomate. Il regrette que le Ccne parle de "déshumanisation" du dépistage automatique et de "violence" liée à un test jugé impersonnel.
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